CARTE BLANCHE
Velvet Lashes – Gwendoline Perrigueux,
Galerie Éric Mouchet, Paris (2019)
À peine franchi la porte de l’atelier de Gwendoline Perrigueux, je sens que la préparation de Velvet Lashes a déjà commencé. Nos regards se croisent et dans un battement de cils, toute son excitation est perceptible. Sur une table, plusieurs dizaines de matériaux. Anneaux de néoprène, élastomère, chutes de peaux aux couleurs tendres et séduisantes ou encore chaînettes qui s’enchevêtrent et s’enroulent délicatement entre les morceaux de velours. Gwendoline Perrigueux enfouit ses mains, dans ces matériaux terriblement érotiques. Assembler, palper, éprouver, étirer, tordre ou encore expérimenter. C’est dans ces manipulations intuitives que réside l’essence même de son travail. Un travail des sens, avec les sens et pour les sens, gorgé d’ondes positives et d’un pouvoir de séduction inéluctable.
Velvet Lashes – c’est du glamour et de l’envoutant exalté que l’on est invité à toucher avec les yeux, maquillés ou non. Rouleaux de fourrures, ondulations métalliques, rondeurs humanisées. Tout autant de corps évoqués, de sculptures mi-bêtes/mi-objets qui nous maintiennent entre deux rives. Les pieds sur Terre, l’imaginaire déconnecté. On se délecte des images, des sons, des formes et de la légèreté ambiante. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Velvet Lashes est bien plus complexe qu’il n’y paraît.
« J’veux qu’ça glisse ! »
Velvet Lashes – c’est la rencontre subtile et délicieuse entre des êtres inconnus. L’inconnu par lequel on a envie de se laisser séduire. Comme un échange furtif de regard dans la rue, cette exposition nous attrape sans que l’on s’y attende. Juste un regard et c’est un flux d’énergie passionnée qui nous envahit en une fraction de seconde, un flux qui déverrouille des images, réveille nos désirs internes, puis tout s’évapore. Avec fraicheur et spontanéité, Gwendoline Perrigueux interroge sans ambigüité la question des fantasmes. Elle nous invite au lâcher prise. Happé par l’indicible, « il faudra d’abord passer les sirènes, elles charment tous les mortels qui les approchent ». Mais nulle question ici de mourir, si ce n’est de plaisir ! Le plaisir de se laisser surprendre par un rire saisissant qui vient pénétrer l’espace le temps d’un instant. Un rire communicatif tantôt charmeur et séducteur, tantôt espiègle et malicieux. Ce rire, qui n’est autre que celui de l’artiste, ne serait-il pas une mise en garde contre la troublante beauté ?
Velvet Lashes – comme une plongée sensorielle entre tension et explosion où l’on s’abandonne volontiers. Un abandon à l’image de Livide et Luisante (2018), une sculpture en silicone, œillets et néoprène qui est posée, là sur le sol. Serait-ce la mue de ce corps abandonné au plaisir, celui de notre propre corps ou bien de notre esprit ?
Velvet Lashes – raisonne ici comme le Less is more de la séduction ! Une ode au charme du suggéré. Un hommage au mystère de l’attraction. Un contre-pied au règne du « tout montrer ».
Élodie Bernard