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Le 03 mai 2015,

Entre Tocane Saint-Apres et Paris,

« Même pour le simple envol du papillon, tout le ciel est nécessaire »

[Paul Claudel]

JULIETTE FECK

Juliette Feck passe son DNAP à l’Ecole Régionale des beaux-Arts de Rouen en 2010 et profite de ses études pour intégrer l’Accademia di Belle Arte di Palermo en Sicile au cours d’un échange Erasmus. Elle y développe un gout prononcépour la photographie et nourrit un univers très personnel, quasi obsessionnel, compilant des images de perte, de casse et de fracas, souvent violentes et étroitement liées à la mort.

De retour en France elle rentre à l’Ecole Supérieur d’Art et de Design Le Havre Rouen et continue ses recherches mêlant sculptures et photographies avant d’obtenir son DNSEP avec les félicitations du jury en 2012.
Premier prix de la résidence de la Villa Calderon l’année suivante elle continuera ses recherches sur les changements d’état et la condition des choses dans l’étroite relation qu’ils entretiennent avec l’humain. Son travail embellit les refus de l’humain à accepter certaines réalités de son existence. Ses vanités se retrouvent en de nouvelles formes, oscillant entre le mystique et le prosaïque, l’éthéré et l’ancré dans le réel.

Sa pratique donnera lieu à plusieurs expositions collectives et personnelles dont on retiendra particulièrement Casseur d’Os, dans l’espace Les Louveteaux à Rouen en 2012, CRASH à la galerie Short Cuts à Namur en Belgique et Tellement Vrai en 2013 à l’espace Le Moulin àLouviers.

Tableau de chasse, Constellations et Couverture de Survie.

Il y a un mouvement, une danse, un dialogue continu qui s’opère entre les photographies et les sculptures de Juliette Feck. Celles-ci s’interpénètrent continuellement ajoutant dans sa pratique artistique une notion d’infini très proche de la dualité : mysticisme / prosaïsme évoquéplus avant.

D’un côtéson travail photographique compile des images oùse retrouvent les signes du passage de l’humain, mais qui, de par son absence physique, rend ces signes inappropriés, décalés, incongrus dans leurs décors [série Constellation (GPS)]. Ces images, collections d’instants trahis par les traces d’un homme absent, deviennent une archéologie d’un passé immédiat et interrogent ces signes et leurs fondements.

« La trace reste l’ultime parole de l’acte » dit-elle. Ses compositions photographiques deviennent alors des miroirs qui désignent par l’absence, le champ d’un possible à explorer. Ces signes se font tour à tour indices ou métaphore et en chacun de nous, trouvent une réponse en écho à une situation quotidienne préexistante (série CRASH et Les Stellaires).

De l’autre ses sculptures, en terre cuite ou crue, comme des réinterprétations d’instants vécus, par l’artiste ou par le « tout venant », s’attardent sur la fragilitéd’un certain état de fait qui peut basculer d’un instant àun autre. Idoles de terre, élevés en icônes de beauté fragile, agiront eux, plus directement sur une narration dichotomique du positif ou du négatif vis-à-vis du visiteur (De la Mitraille, 2013).

Comme de nouveaux Memento Mori, ou des tableaux de chasse pessimistes de notre devenir, ces sculptures nous poussent à regarder du côté de l’invisible, au-delà de la violence ou de la fragilité, après la mort. Elles incitent à une méditation bicéphale, partagée entre la recherche de détails ou l’échappée d’une pensée sans objet. Instants passés et perdus, retranscrits physiquement par la main de l’artiste qui mettra en lumière en faisant renaitre de la terre qu’elle travaille, des choses parfois enterrées profondément en chacun de nous (Bonheur Conjugal, 2013).


De manière plus équivoque encore, ces couvertures de survie que l’on retrouve régulièrement dans ses travaux (photographiques, sculptures ou installations), ces toiles fragiles et miroitantes qui ont vite fait de faire la différence entre la vie et la mort, soulignent encore un peu plus l’intérêt de Juliette Feck pour la mise en images de ces voiles qui suspendent dans un temps infini, ces changements d’état que l’on subit tous tour à tour.

La Mort des Monarques Trophées de Chasse aux Papillons

Pour sa prochaine exposition à l’Espace CRE ART QI de La Ciotat (du 22 mai au 22 juin 2015) Juliette Feck prend possession du lieu et propose La Mort des Monarques. Une exposition capsule qui reprend les thèmes qui lui sont chers. L’artiste réactualise sous de nouvelles formes, avec des œuvres inédites, ses questionnements sur la fragilité et la mort.

On notera cependant la présence nouvelle et éponyme des papillons monarques dans ces nouvelles réalisations. Ces insectes migrateurs marquent une prise de recul et une vision plus globale de l’artiste sur son travail et ses questionnements.
Le principe même de la migration étant le déplacement pour le retour au lieu originel, pourrait nous faire croire que l’artiste revient sur ces propos. Au contraire, en utilisant cet insecte roi de l’éphémère, dont la migration se fait sur plusieurs générations, Juliette Feck crée un moment hors du temps, une capsule où, figés dans ses sculptures en terre bleues irisées, incapable de prendre son envol, le monarque fait appel à un autre ciel pour poursuivre sa migration.

C’est sur cet axe de rotation céleste que les ondes créatrices de l’artiste résonnent aujourd’hui en écho pour l’archéologue de demain. Véritables trophées de chasse aux papillons, comme l’enfant qui emprisonnerait l’insecte sous un verre pour le garder et se rendrait compte le lendemain de la mort du monarque par manque d’oxygène, Juliette Feck cristallise dans cette nouvelle exposition un ressenti troublant face au séisme humain que l’on traverse tous.

Léo Marin

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