top of page

Entre Paris et Marseille

Le 10 mai 2015,

08h42.

 

« Je réfléchirai sur la construction de la cathédrale, afin de mieux comprendre son architecture. »

Antoine de Saint-Exupéry.

 

 

Cyril Zarcone

 

Il obtient son DNAP à l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Marseille (2011) en agrémentant cette expérience de nombreux échanges, notamment à l’Akademie der Bildenden Künste à Munich, mais aussi à Bruxelles. Il poursuit ensuite son cursus à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et obtient son DNSEP en 2013.

Au cours de cette dernière formation, il écrit « LE BRICOLAGE SUPÉRIEUR », mémoire dans lequel il questionne et explore les différences entre le bricoleur et le sculpteur. On y retrouve des parties très à propos, intitulées : « L’art du bricolage selon Lévi-Strauss », « D.I.Y. et tâtonnement » ou « Les bricoleurs (mon voisin et moi) », qui constituent aujourd’hui les principes fondamentaux de sa pratique. Ces recherches marquent le début d’un processus prolifique pour l’artiste qu’il est aujourd’hui.

Attentif dès la première heure au travail de Cyril Zarcone, j’ai pu observer en direct l’élaboration de son concept, et l’évolution régulière qu’il y apporte depuis lors en approfondissant ses axes de recherche tout en affinant son travail de la forme.

 

 

Constructeur de Sculptures

 

« Bricoleur Supérieur » autoproclamé, Cyril Zarcone aime que notre regard s’attarde sur les détails de ses constructions et identifie les techniques utilisées pour la création de ses sculptures. Souvent, il laisse apparentes les traces des procédés qu’il a mis en œuvre pour réaliser ses pièces et donne ainsi aux étapes de construction autant d’importance qu’à leur résultat final.

Le « Bricolage Supérieur », tel qu’il l’entend passe par l’utilisation d’outils et de techniques propres aux techniciens (éléments de coffrage, de protection ou de soutènement) dont il s’inspire pour créer ses volumes. Sans avoir leur formation, mais avec ses connaissances propres, il examine ces instruments de BTP et les sites de construction puis les reproduit généralement dans les mêmes matériaux. Il dira lui-même : « Le bricolage ce n’est pas de la bidouille mais plutôt un moyen de faire au mieux avec ce que l’on a ».

Il crée ainsi ses œuvres en partant d’outils-objets souvent destinés au rebut à l’issue de leur utilisation réelle. Cependant, lorsqu’il les reconstruit à (ce qui semble être) l’identique, il dépossède les originaux reproduits de leur utilité première. Leur fonction ne subsistera, elle, que dans l’essence de ces items refaçonnés. Cyril Zarcone redonne ainsi au volume la beauté de sa forme première et le débarrasse de ses contingences utilitaires.

L’essence de ce processus réside dans une création par le dépouillement de la fonction pour revenir à l’état originel supposé des choses. Comme un retour en arrière, qui en plus de nous faire accéder à la forme première, nous donne un aperçu du cheminement mental de son créateur initial et des besoins qui l’ont poussé à construire un outil-objet.

 

Sculpteur de Constructions

 

Lorsque, dans d’autres cas, Cyril Zarcone ne reprend que la forme et que la reconstruction passe par d’autres matériaux que ceux d’origine, comme le papier, le plâtre ou encore le polystyrène expansé, il se joue des faux-semblants et l’on se laisse surprendre par la fragilité de ses sculptures qui, une fois qu’on les a approchées, ne soutiennent rien, ne portent plus et bien souvent sont elles-mêmes maintenues par ce qui les entoure.

Ces substitutions de matériaux poussent encore un peu plus loin le dépouillement utilitaire de la forme créée par l’artiste et l’annihilent complètement. Cyril Zarcone nous oblige alors à nous confronter à cette forme dans ce qu’elle a de plus primaire. En 2011, il réalise « Contre-Fiche », une structure d’étaiement de cinq mètres de haut en polystyrène extrudé qui n’étaiera que la nature de sa forme, car en réalité c’est le mur sur lequel cette sculpture est appuyée qui lui sert de soutènement.

En 2012, avec « Protection », il recouvre un mur qui n’en avait aucunement besoin, d’une bâche renforcée, et laisse les traces et débris du montage de cette toile plastique créer d’eux-mêmes des motifs simples rappelant au passage ceux de la fresque. En 2015, il produit « Ouverture » et utilise un passage préexistant dans l’espace de la Galerie Éric Mouchet qu’il recouvre de contre-plaqué filmé, calé par des tasseaux de bois sans aucune fixation. Il nous laisse croire volontairement que cette installation soutient l’ouverture alors qu’en réalité c’est l’ouverture qui soutient, toute en tension, son installation.

Ces constructions alors ne sont plus seulement de simples réappropriations d’éléments de chantier, mais bel et bien de véritables sculptures qui nous amènent à nous questionner non plus seulement sur la forme de ce qu’elles sont mais aussi sur les préceptes de ce qu’elles mettent en lumière.

 

Léo Marin

bottom of page