Cyril Zarcone, Kitsch Garden Criticism
Dans le meilleur des mondes, des nains de jardins jouxteraient des Vénus-fontaines et des bouddhas-rieurs, Botticelli et Da Vinci seraient les meilleurs amis de Warhol et de Jeff Koons, Jardiland serait un concept artistique au même titre qu’IKEA est devenu le chantre du design démocratique, le display flirterait avec le baroquisme et la marchandise avec le rococo. Le kitsch ne serait plus l’apanage du petit bourgeois issu de la modernité industrielle ni celui du consommateur vulgaire de nos sociétés contemporaines, mais recouvrerait son potentiel transformateur en s’érigeant, à nouveau, tel un élément majeur de la « grammaire » des constructeurs de l’Antiquité à la Renaissance, des pharaons égyptiens à la pop ’culture globalisée.
La deuxième exposition personnelle de Cyril Zarcone à la Galerie Eric Mouchet est une fable syncrétique qui nous balade sur la scène d’un crime qui n’a sans doute jamais eu lieu. Côté jardin ordonne les coulisses d’une pièce de théâtre surréaliste, où les personnages sont des simulacres appauvris de stucs et de plâtres, des décors de jardin prenant corps dans un écrin de White Cube. L’affaire s’avère plus délicate encore lorsque l’on sait que le forfait se déroule dans l’antre de l’apôtre du Corbu...
Cyril Zarcone mixe l’Histoire de l’Art avec les références les plus immédiates de notre accession populaire à celle-ci. Avant d’être l’œuvre la plus connue de Michel-Ange, David était une statue de jardin, fils du mascaron protecteur et amant de Vénus. Fidèle à son autodésignation de « Bricoleur supérieur », l’artiste pousse l’esthétique du chantier et des kits de construction à leur comble renversant ainsi le primat du construit au bénéfice du décoratif. Les matières sont réduites à des fac-similés et les formes ne suivent plus les fonctions ; les colonnes ont perdu leur chapiteau et se sont accouplées avec des pieds de fontaine selon des alliances de styles, d’époques et de géographies inédites. La gloriette, les treillages et les stores bannes habillent l’espace dans une ironie qui confine au luxe de supermarché, si ce n’est au snobisme. Conspué par certains et célébré par d’autres, le kitsch traverse l’histoire et, avec elle, la marque du mauvais goût : il en est le baromètre pour chaque époque.
Less is more, disaient-ils. L’hymne au fonctionnalisme qui anima les temps modernes aux valeurs mâles et ascétiques n’avait pas su éradiquer le kitsch, véritable parasite économique, au profit de formes pures, honnêtes et vraies certifiant que la beauté découle forcément de l’utile. L’ornement devint alors le fruit d’une rationalisation de la production, où la préfabrication, le moule et la copie rimaient avec l’optimisation et la standardisation des valeurs. IKEA, vantant « la beauté utile », s’en était assuré, suivant en cela Greenberg, le Bauhaus ou le Corbu. Mais le mobilier réduit à son support, dépourvu de décor, était devenu l’ornement de la maison. Le régime du décoratif s’était déplacé dans le curseur du bon goût vers un nouvel académisme. Soudain, le serpent se mordait la queue et le bourreau se transformait en victime.
L’ornement n’est pas un crime ni le reflet d’une société dégénérée ; il est la forme d’artifice esthétique la plus essentielle à tous les humains et aux vivants en général. En recréant les conditions du pastiche et en confondant ce qui relève de l’« art véritable » et du décoratif, Cyril Zarcone introduit la boursouflure qui précise la relativité de l’Art et l’éternité du kitsch. La mise en scène, l’érotisme des formes et le mélange des genres sont une provocation au jugement de goût, dont la critique s’était faite la fervente gardienne. En nivelant haute et basse culture, reproductibilité et authenticité par le truchement de l’ornement, Zarcone mobilise l’art subtil de plaire et de déplaire dans un amusement sincère.
Cyril Zarcone, Kitsch Garden Criticism
In an ideal world, garden gnomes would stand next to fountain-Venuses, and laughing buddhas, Botticelli and Da Vinci would be Warhol and Jeff Koons’s best friends, Dobbies Garden Centres would be an artistic concept in the same way as IKEA has become the champion of democratic design, displays would flirt with Baroque and merchandise with rococo. Kitsch would no longer be the privilege of the lower-middle-class created by industrial modernity nor would it be the privilege of contemporary societies’ vulgar consumers, but it would recover its transformative potential by elevating itself, again, just like a major element of the “grammar” of builders, from Ancient history to the Renaissance, and from Egyptian pharaohs to globalized pop culture.
Cyril Zarcone’s second personal exhibition at the Galerie Eric Mouchet is a syncretic fable that takes us to the scene of a crime that has probably never occurred. Côté jardin organises the backstage area of a surrealistic play where the characters are impoverished pretenses made of stucco and plaster, they are garden ornaments taking shape in a White Cube case. The whole story turns out to be even more delicate when finding out that the crime takes place in the den of the disciple of Le Corbusier …
Cyril Zarcone combines art history with more immediate references to our popular accession to it. Before becoming Michelangelo’s most famous work, David was a garden statue, the son of the guardian mascaron and Venus’s lover. Staying true to his self-appointment as a “superior DIYer”, the artist has pushed the aesthetics of building sites and construction kits to a fever pitch, thereby reversing the prevalence of construction to the advantage of decoration. Materials are reduced to facsimiles and shapes no longer follow functions; columns have lost their capital and mated with fountain feet according to new alliances of styles, periods and geographies. The gazebo, trellises, and awnings dress the space in an irony that verges on supermarket luxury, if not snobbery. Shouted down by some and celebrated by others, kitsch has spanned history, and with it, the mark of bad taste: it is its barometer for each era.
“Less is more”, they said. The ode to functionalism that animated the male and ascetic values of modern times has never managed to eradicate kitsch, a genuine economic parasite, for the benefit of pure, honest and true shapes, guaranteeing that beauty inevitably stems from the utility. Ornaments then became the result of rationalization of production, where prefabrication, mold, and copy would rhyme with the optimization and standardization of values. IKEA ensured all that, praising “useful beauty”, thereby following Greenberg, the Bauhaus or Le Corbusier. However, furniture reduced to its props, with no decoration, had become the ornamentation of the house. On the scale of good taste, the decorative system had been moving towards a new form of academism. All of a sudden, it was becoming a vicious circle and the persecutor was turning into the victim.
Ornamentation is neither a crime nor is it the reflection of a degenerated society; it is, to all humans and living things in general, the most essential form of aesthetic artifice. By recreating the conditions for pastiche and by combining what falls under “true art” and decorative arts, Cyril Zarcone introduces the pomposity that defines the relativity of Art and the immortality of kitsch. The staging, the eroticism of the shapes and the mixture of genres are a provocation to the judgment of taste, of which criticism had become the fervent guardian. By leveling high and low culture, reproducibility and authenticity through the intervention of ornamentation, Zarcone mobilizes the subtle art of pleasing and displeasing with genuine enjoyment.
Marion Zilio







