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Du Temps sois la mesure

Construire une exposition autour d'un travail de dessin est une entreprise en soi. À plus forte raison lorsque ce travail questionne l'essence même de son processus et ce qu’implique son résultat. Une exposition se doit d'être considérée dans son ensemble et il serait dommage de l'élaborer comme une simple suite de projets juxtaposés les un aux autres.

   La première fois que j'ai rencontré François Réau, ce fut autour de son projet Drawing machine (2017). Avec un cube portatif dont les parois intérieures étaient recouverte de la carte IGN de l'espace qu’il allait parcourir à pied. À l'intérieur de cette machine à dessiner se trouvait une sphère remplie de différents crayons qui allaient marquer la carte pendant que lui allait traverser le paysage. Les parties extérieures elles, étaient recouvertes de miroirs et reflétaient ce qui se trouvait autour de lui tout au long de sa dérive. Grâce à cette œuvre, à la foi outil de production et installation portative, Réau ne dessinais plus avec un crayon à la main mais en se déplaçant sur un territoire inconnu.
Et, lors de la construction de notre projet c'est cette idée de dessin qui se forme autrement qu'avec la main qui s'est imposée aux autres. C’est aussi cette idée, qu’un dessin et son implication, ne se situe pas seulement à la surface plane de la feuille, qui nous à accompagnée tout au long de ce processus de création.

Quel que soit le dessin, tous commencent toujours par un point. Point qui se poursuit en trait vers un second point. La surface plane que nous envisageons lorsque l'on parle de dessin, qu’il s'agisse de la feuille, de la toile ou même du mur, prend littéralement une toute autre dimension lorsque cette surface se révèle être en quatre dimensions : hauteur, largeur, profondeur et direction. Cette considération nous intime l’appréhension d’un « Espace-Temps » au dessin.
C’est ce qu’il s'est passé lorsque nous avons relié les étoiles entre elles pour en faire des constellations. Ces ensemble de points lumineux et de traits imaginaires nous ont permis d'y projeter des figures, inventées par l'humain, puis utilisés comme points de repère par les voyageurs. Il est intéressant de se dire que ces dessins imaginaires dans le ciel, ont accompagné l’humanité lors de ses déplacements. Il est d’autant plus pertinent de se dire que dès lors que nous nous sommes rendu compte que la voûte céleste n’était pas une surface plane, mais un immense volume multi-dimensionnel, ces dessins eux-mêmes sont devenus des déplacement potentiels entre les étoiles.

L’exposition de François Réau doit être appréhender dans cette même optique. Et si ce n'est pas tant les déplacements de l’artiste qui se font la mesure de son dessin. C’est plutôt la multiplication des points de vues et notre déplacement au sein même de l'exposition qui nous permettront, à dessein, de l'envisager dans toutes ses dimensions.

   Ils sont nombreux les traits dans le travail de l’artiste.
Il y à le trait court, vertical, rapide des grands « Mesurer le Temps ». Une accumulation de secondes marquées que Réau consigne scrupuleusement comme sur un papier à musique qui lui est propre. Une écriture méditative dont les nuances de gris se font le miroir des notes d'un compositeur qui prend la mesure de l’espace dans lequel il dessine. Aussi, une mesure du temps de l’artiste qui contemple et inscrit son travail dans un ensemble.
Ces dessins-ci sont de ceux qui attestent le déroulés de chacun des traits posés sur le support et de ceux qui nous oblige à considérer son travail au travers de différentes échelles. Cette échelle-ci étant celle d'un temps long qui se poursuit entre différents autres dessins. Comme si pour pouvoir terminer d’autres réalisations, l’artiste avait la nécessité de revenir à une mesure basique du trait, un trait constitutif de toutes ses autres réalisations.

   On le sait, si les étoiles font voyager, fixer les nuages fait réfléchir.
A la différences des dessins précédents, grands rideaux de pluie ou paysages intemporels abstraits, et même s’il s’agit bien là à nouveau d'un paysage dans le ciel, celui ci nous invite à une perception changeante de ses formes. Un paysage en recomposition permanente, indéterminé et inconsistant.
C’est seulement lorsque l'on se rapproche de ce grand nuage que nous découvrons que c’est de la même écriture en petits traits verticaux, qu’il est composé. Ainsi, de la mesure du temps de l’artiste, naît d’autres paysages, moins abstraits mais dont le motif signifié est la personification de la forme indéterminée. Une forme qui fascine, se dissolve et se recompose quand qu’elle est observée.

   D’autres paysages encore prennent place dans l'exposition.
Car ce n’est plus avec le trait que François Réau travaille cette fois-ci. C'est en rassemblant de nombreux végétaux qui, dans l'espace d'exposition, vont composer un nouveau dessin. Ce nouveau dessin offre, en fonction de notre position dans l'espace, une nouvelle perspective qui s’applique aux autres grands paysages dessinés. À la foi en les masquant partiellement, comme peut le faire la végétation en temps normal, mais en offrant aussi une nouvelle composition, un paysage plus vaste que celui de la seule surface dessinée.
C’est donc à mesure que nous nous déplaçons dans l'espace qu’un autre dessin, plus vaste prend forme. Un dessin où le trait du crayon n'est pas le seul à faire paysage mais où celui du trait végétal rencontre l’aplat du crayon. C’est avec ce dessein, je crois, que François Réau lie ses grands paysages mentaux avec ceux des grands ciels nuageux.

   Enfin si le paysage réel, extérieur, infuse l'exposition, d’autres éléments plus réflexifs viennent eux, finir de le composer. Il est coutumier dans les installations de l’artiste de retrouver des objets qui viennent augmenter le potentiel narratif de son travail.
Les éléments les plus régulièrement utilisés sont les miroirs et les traits de lumière de néons. S’il est évident que le néon est un trait de lumière à lui seul et qu’il marque les dessin de Réau autrement qu’avec le trait sombre du graphite habituel, le miroir lui reflète. Il nous montre le dessin dans d’autres perspectives et parfois en inclut plusieurs dans un même reflet. D’autres fois encore les dessins se démultiplient dans des reflets infini et le dessin lui-même semble se déplacer entre les végétaux et les traits de lumière.

Néanmoins, si le reflet des miroirs nous offrent un exemple visible des différentes dimensions que peuvent revêtir les dessins de François,  il font surtout appel à notre  capacité de concevoir, à imaginer et à projeter. Car que reflèteraient t’ils dans la boite vide de l’espace d’exposition si nous n’étions pas présent pour prendre en compte les réflexions qu’ils nous offrent ?

Léo Marin

 

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