Body Language
De l’importance du langage des corps
Dès les années 1960 et 1970, ORLAN interroge le statut du corps et les pressions politiques, religieuses, sociales qui s'y inscrivent. Son travail dénonce la violence faite aux corps et en particulier aux corps des femmes, et s'engage ainsi dans un combat féministe. Elle le dira elle-même lors d’interview pendant la FIAC de 1977, interrogée à la suite de la non moins célèbre performance Le Baiser de l’artiste : « Pour moi le corps de la femme est un matériau nouveau ! ». Son corps devient alors un instrument privilégié où se joue notre propre rapport à l'altérité.
Vers la fin des années 1970, Robert Mapplethorpe montre un intérêt grandissant pour le documentaire concernant le milieu sado-masochiste homosexuel new-yorkais. Ses clichés crus et très fronteaux mettent en lumière cette pratique corporelle extrême et choque ses contemporains. Son travail devient une image forte des années de la libération sexuelle et de l'affirmation de l'identité homosexuelle.
En 1984, Hudinilson Jr. participe à la 1ère Biennale de La Havane et à l'exposition Arte Xerox Brasil, à la Pinacoteca do Estado de São Paulo. Le Xerox Art, à l’époque est une nouvelle technique de reproduction graphique (via la photocopieuse du même nom) qui lui aura permis l’amplification instantané de ses idées. Avec des performances où l’artiste fait corps avec la machine, sortes d’« accouplements » où la libido de l’artiste se transfert dans des objets imprimés lui permet de transformer son propre corps en œuvre d’art : il en fait la matrice de l’image « xéroxée ».
En 2005, Miguel Ángel Rojas, photographe colombien, tire le portrait en plein pied et en série d’un homme posant tel le David de Michel-Ange. Cet homme est unijambiste. Il a marché sur une mine anti personnel comme il y en a encore beaucoup dans le pays d’origine de l’artiste et la vente de chacun des tirages permet des dons pour aider les associations qui viennent en aide des victimes de ces accidents encore fréquents aujourd’hui. Cette photo, tout en asseyant la renommée de cet artiste l’a assi fait reconnaitre interantionnalement.
En 1989, Éric Mouchet entame un travail de recherche sur l’œuvre graphique de
Le Corbusier. Il désormais expert en authentification près la cours d’appel de Paris pour l’œuvre graphique et imprimée de Charles Edouard Jeanneret, l’inventeur du Modulor. Le modulor, cette Silhouette humaine standardisée servant à concevoir la structure et la taille des unités d'habitation dessinées par l'architecte (et artiste peintre) devait permettre, selon lui, un confort maximal dans les relations entre l'Homme et son espace vital via une mesure du corps standadisé.
De nos jours, les artistes contemporains n’ont pas abandonnés l’utilisation des corps dans leurs projets et pratiques. Que se soient les leurs ou une réponse à celui des autres. Cette exposition se fait le pont entre ces œuvres, ces trajectoires singulières et les œuvres de la collection Éric Mouchet, sous le regard bienveillant de l’expert. Un dialogue s’établit alors et l’histoire de l’art continue de s’écrire.
Gwendoline Perrigueux à toujours parlé du corps humain et du désir qu’il pouvait faire naître a travers son travail. Que ce soit en creux lorsqu’elle présentait « mon île » une demi sphère baignoire qui renversait la vapeur d’une longue tradition d’œuvre représentant la femme au bain, ou avec « Sans les mains » une vidéo où l’artiste dansait avec ses créations-bijoux-nippies en plan fixe sur ses genoux, le corps, désiré, est toujours présent. Avec COSMICOFLOVE, c’est toute une danse de corps céleste en tensions, de liens noués, d’histoires scratchées et de parties corporelles désincarnées qui s’offre à nous.
Pierre Gaignard lui aussi apporte une attention particulière aux corps des sujets qu’il traite. Que ceux-ci soient vidéographique ou sculpturaux, c’est toujours avec l’œil du compteur d’histoire qu’il soulève la peau des choses et des personnes comme autant de catalyseurs d’informations pour nous donner un accès privilégié à la romance légère d’un quotidien qui lui appartiens. Souvent avec beaucoup de violence, en nous confrontant au combat physique de l’homme artiste et de sa création en machine métallique, mais parfois également lors d’un état de grâce bienveillant, où la photogrammétrie (nouvelle technique photographique a prise de vue multiple) lui permet d’immortaliser un instant de relâche, où les corps se détendent le temps d’une sieste au soleil.
Depuis quelques années déjà, Isabelle Plat travaille le concept de sculpture d’usage : une sculpture qui dans son appréciation ne dépend pas seulement de sa forme, de son matériau ou de sa présentation mais qui prends en compte son usage potentiel comme une caractéristique toute aussi importante que les précédentes. Plus récemment encore Elle nous invite avec ces dernières sculptures a faire l’expérience de venir, l’espace d’un instant, se glisser dans la peau d’un autre. Presque littéralement puisque ces dernières sculptures d’usages se composent essentiellement d’habits qui après avoir été portés pars corps amis, lui ont été donnés volontairement.
Vincent Voillat, travail la pierre et la relation que nous pouvons avoir, nous être humain, avec elle, entité minérale. Cela passe souvent par des œuvres lithotérapiques ou encore l’anthropomorphise du sujet, du fait du geste de l’artiste. C’est en apportant ses réponses à des questions telles que : comment et par quel biais le minéral peur réparer les corps physiques ou rapprocher des corps éloignés que nous pouvons commencer à appréhender son travail.
En 2013, lors d’une résidence dans un centre de réadaptation fonctionnel, Christine Crozat travaille avec des patients amputés à la suite d’un accident. Au travers de sa pratique du dessin, de la découpe et de superposition d’images, elle accompagne les personnes avec qui elle travaille avec pour objectif de retrouver un ancrage dans le sol et dans la terre. Sa série de dessins « hommage à ceux qui ont perdu leurs jambes » traduit tout ce travail de recherche tant dans l’esthétisme de l’artiste que dans la psychologie des patients.
En 2015, Kubra Khademi a marché le long d'une rue de Kaboul vêtue d'une armure en métal sur mesure qui soulignait ses seins, ses fesses et son aine. Sous l'armure, l’artiste portait un hijab traditionnel et bien que le travail devait initialement durer vingt minutes, Khademi a été contraint d'interrompre la représentation après seulement huit minutes et de chercher refuge. La mise en danger de son corps, et l’exacerbation des caractéristiques du corps feminin au travers d’une armure dénonçait le harcèlement sexuel auxquel sont confrontées quotidiennement les afghanes.
En réponse directe à la plongée abrupte dans les sentiments et les sensations de Bas Jan Ader et de son œuvre : I’m Too Sad to Tell You, où l’artiste se filmait en train de pleurer pendant de longues minutes, Louis-Cyprien Rials, en 2016, se plonge entièrement nu dans un lac radioactif, résultant des suites de bombardements pour des essais nucléaires au Kazakhstan. L’eau perlant sur lui après d’être immergé entièrement, se fait l’écho des larmes de son prédécesseur, et l’artiste laisse son corps devenir le canevas des larmes d’un paysage irrémédiablement défiguré, les trace d’actes politiques guerriers et dévastateurs.