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KUBRA KHADEMI
Ta’me Sib’ (طعم سیب)

Exposition
20.04-15.07.23

Kubra Khademi dont on connaît bien désormais les performances anti-patriarcales et anticolonialistes ainsi que les odes dessinées à la sensualité féminine, nous présente sa nouvelle exposition à la Galerie Eric Mouchet Brussels. L’artiste nous invite ici à poser un regard critique sur les systèmes de pouvoir, en prenant pour point de départ les leçons tirés des mythes, leur généalogie. Alors que des formes de violences se perpétuent, Kubra Khademi instruit les bases d’un urgent changement de paradigme décolonisé et féministe. Cette exposition sera à découvrir à la Galerie Eric Mouchet Brussels du 20 avril au 15 juillet 2023.


Shahnâma (Le Livre des rois)1 écrit par le poète Ferdowsi au Xeme siècle ap. J-C est l’un des textes fondateurs de la culture perse. Ce récit national est raconté en langue persane dans un empire islamisé où le choix du langage revêt déjà une signification politique. Le livre raconte une suite d’épopées, mais aussi d’échecs. Certaines des gouaches de Kubra Khademi exposées ici représentent des personnages qui incarnent chacun une vertu ou une faiblesse humaine : La force de Zuhak le monarque usurpateur aux deux serpents, la justice de Kave-Ahangar le rebelle à la massue dorée, la tempérance de Rakhsh le cheval de Rostam, le roi au poignard, assassin de son fils illégitime, le prudent Sohrab. L’artiste y a ajouté des créatures mystiques comme le Simorgh, qui aurait vu trois fois la destruction du monde, ce qui lui confère sa grande sagesse, ou le phénix Qognoos,
symbole de l’éternel recommencement. Ces oeuvres, toutes produites pour l’exposition, questionnent la perpétuation des logiques de pouvoir et de
la domination patriarcale.


Le titre de l’exposition, « Ta’me Sib’ ( بیس معط ) », fait référence à la règle successorale qui stipule que les femmes ne peuvent pas obtenir la totalité d’un héritage même en l’absence de tout héritier mâle. Afghane, Kubra Khademi le sait : la violence patriarcale est systémique, elle ne s’inscrit pas dans une destinée épique. L’oeuvre sur papier Dragon, rappelle l’histoire du dragon de Bâmiyân2 qui réclamait quotidiennement une vierge, deux chameaux et six cents livres de nourriture. Le mythe illustre le statut de la femme comme égal à celui des animaux domestiques.
L’excrément que Kubra Khademi reproduit en céramique dorée matérialise la présence des femmes, alors même que, dans le domaine de « l’impur », elles ne jouissent pas de plus de considération que de simples lieux d’aisance. L’aftabeh هباتفآ) 3 ), transformé en réceptacle de fleurs en plastique opère également un renversement des sphères intime et publique. La scène fait référence à une photographie circulant sur Internet et donnant à
voir un taliban avec un bouquet similaire. L’oeuvre crée un contraste entre les interdits dictés par le régime et la production de masse qui a envahi les marchés d’Asie Centrale à partir des années 1980. Ces contradictions invitent à une réflexion sur l’échelle des valeurs morales. Le turban, par exemple, est un symbole de pouvoir spirituel et social. Dans l’oeuvre de Kubra Khademi, le turban, dont la couleur l’identifie à celui porté par les
talibans, a été vidé de sa symbolique sociale grâce à la résistance des femmes ; l’artiste le métamorphose en un vulgaire socle destiné à supporter une de ses sculptures excrémentielles.
L’imagerie mystique traditionnelle, réinterprétée, figure à nouveau dans les gouaches The Father-Fucker-God et The-Last-Departor-to-Heaven. Le choix de représenter deux Bouddhas analogues à ceux de Bâmiyân, qui ont été pulvérisés par les talibans en 2001, traduit l’opposition de l’artiste à l’iconoclasme ; leurs caractéristiques sont pleinement humaines4. Le premier est sexué et le second a la poitrine enserrée d’une ceinture explosive ; il tient dans sa main droite un détonateur et dans sa main gauche la clé du paradis. Alors que les attentats suicides sont toujours très
fréquents en Afghanistan, les populations civiles sont les premières victimes des « martyrs » qui prétendent ainsi gagner leur place au paradis.

Baby Paradise I et Baby Paradise II reprennent le même thème funeste. Il s’agit des figurines de deux jeunes garçons embrigadés du groupe taliban, dont les têtes sont remplacées par des grenades-fruit séchées. La polysémie du terme grenade (à la fois fruit du paradis cultivé dans le sud de l’Afghanistan et projectile explosif) incarne le caractère irrémédiable de l’attentat suicide.
Les treize drapeaux sérigraphiés de la série Sagas Encounter présentent un monde bilatéral constitué des pays producteurs d’armement et de ceux qui le leur achètent. La même dichotomie peut se lire dans une épopée dans laquelle les jeux d’alliances accentuent la figure de l’ennemi. Alors que le drapeau national de l’Afghanistan n’apparaît pas ici, Kubra Khademi s’interroge sur la représentation imaginaire, conçue et médiatisée par l’Occident, de son pays comme une entité ennemie et redoutable.
« Fabriquer une arme, c’est de l’artisanat. L’Afghanistan est un pays de bijoutiers ». L’une des raisons se trouve probablement dans la richesse en ressources précieuses du pays – cobalt, turquoise, cuivre, lapis-lazuli et or – que l’artiste figure dans une série de gouaches. Pourtant, l’Afghanistan a été privé de sa capacité à concourir aux jeux de pouvoir géopolitiques auxquelles les ressources de son sous-sol le rendaient éligible, par les guerres d’occupation contre sa souveraineté et son peuple que l’Union Soviétique puis les États Unis ont successivement menées au cours des quatre dernières décennies.

 

L’exposition de Kubra Khademi à la Galerie Éric Mouchet nous invite à poser un regard critique sur les systèmes de pouvoir, en prenant pour point de départ les leçons des mythes, leur généalogie. Alors que des formes de violences se perpétuent, l’artiste instruit les bases d’un urgent changement de paradigme décolonisé et féministe.


Patricia Couvet

Kubra Khademi, whose anti-patriarchal and anti-colonial performances are well known by now, as well as her drawings of female sensuality presents her new exhibition at Galerie Eric Mouchet Brussels. The artist invites us to cast a critical eye on systems of power, taking as a starting point the lessons and genealogy of myths. While forms of violence continue, Kubra Khademi is exploring the basis for an urgently needed decolonised and feminist paradigm shift. This exhibition will be held at Galerie Eric Mouchet Brussels from April 20 to July 15, 2023.
The national epic poem Shahnameh (Book of Kings)1 , composed by the poet Ferdowsi in the tenth century CE, is one of the foundational texts of Persian culture. It was written in Persian at a time when Persia was already Muslim, when the choice of language was already political. It recounts a series of heroic exploits, but also failures. Some of Kubra Khademi’s gouaches exhibited here represent characters who embody a human strength
or weakness: the strength of Zuhak, the usurper monarch of the two serpents, the justice of Kaveh-Ahangar, the rebel with the golden club, the temperance of Rakhsh, the horse of Rostam, the king with the dagger who killed his bastard son the prudent Sohrab. Also depicted by the artist are mystical creatures such as the Simorgh, whose immense wisdom comes from having witnessed the destruction of the world three times over, or the phoenix Qognoos, the symbol of eternal regeneration. These works, all of which were produced for the exhibition, challenge the perpetuation of schemas of power and patriarchal domination.


The title of the exhibition, “Ta’me Sib’ ( بیس معط )”, is a reference to the inheritance rule whereby women cannot obtain the whole of a bequest even when there are no male heirs. As an Afghan woman, Kubra Khademi is no stranger to patriarchal violence, which is systemic and not part of some epic destiny. Dragon, a work on paper, recalls the story of the dragon of Bamiyan2 who demanded a virgin, two camels, and six hundred pounds
of food daily, a myth that illustrates how women’s status is equal to that of domesticated animals. The excrement reproduced by Kubra Khademi in gilded ceramic materialises the presence of women, whereby their inherent “impurity” means the esteem they enjoy is equivalent to that of a public convenience. The aftabeh ( 3(هباتفآ , transformed into a vase for artificial flowers, represents a reversal of the public and intimate spheres. It refers to an image that circulated online depicting a Taliban with a similar looking bouquet, and juxtaposes the prohibitions dictated by the regime with the mass-produced goods that flooded the Central Asian market starting in the 1980s. These contradictions invite reflection on moral values.


The turban, for instance, symbolises spiritual and social power. In the work of Kubra Khademi, the turban, whose colour identifies it with those worn by the Taliban, has been emptied of its social symbolism thanks to the resistance of women: the artist transforms it into a vulgar plinth that supports one of her excremental sculptures.
Traditional mystical imagery reinterpreted figures also in the gouaches The Father-Fucker-God and The-Last-Departor-to-Heaven. The choice of representing two Buddhas, similar to those of Bamiyan reduced to rubble by the Taliban in 2001, conveys the artist’s opposition to iconoclasm; their features are fully human4. The first is gendered and the second has an explosive belt wrapped around his chest; he holds a detonator in his right
hand and the key to paradise in his left. Suicide attacks are very frequent in Afghanistan, and civilians are the primary victims of these “martyrs” who hope to gain entry to paradise in this way. Baby Paradise I and Baby Paradise II take up this same fatal theme. These are figurines of two young boy recruits from the Taliban, their heads replaced with dried pomegranates. The double meaning of the French word grenade (pomegranate, the
fruit associated with paradise grown in southern Afghanistan and the explosive projectile) illustrates the irreparable nature of suicide bombing.
The thirteen screen-printed flags of the Sagas Encounter series represent a bilateral world made up of countries that produce arms and those that buy them. A similar dichotomy occurs when alliances come together and create an inflated idea of the enemy. Although Afghanistan’s national flag is absent
here, Kubra Khademi questions the imaginary representation of her country, conceived and mediated by the West, as a formidable enemy entity.

“Making a weapon is a craft. Afghanistan is a country of jewellers.” One of the reasons probably lies in the country’s wealth of precious resources – cobalt, turquoise, copper, lapis-lazuli and gold – that the artist features in a series of gouaches. However, Afghanistan was rendered unable to compete in the geopolitical power games for which its mineral resources made it eligible by the wars of occupation against its sovereignty and people waged successively by the Soviet Union and the United States over the past four decades.
Kubra Khademi’s exhibition at the Galerie Éric Mouchet invites us to cast a critical eye on systems of power, taking as a starting point the lessons and genealogy of myths. While forms of violence continue, the artist is exploring the basis for an urgently needed decolonised and feminist paradigm shift.


Patricia Couvet

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